Simon Pichot

J’ai passé la porte des Compagnons a 19 ans, après mon BAC, avec l’envie de faire un métier manuel. C’est un ami qui m’en avait parlé et j’avais plus besoin d’enseignement pratique que théorique. J’ai fait mon apprentissage en menuiserie dans une entreprise spécialisée dans la réalisation d’escaliers. A la fin de mon apprentissage, je me suis engagé sur le Tour de France, je suis notamment passé dans une entreprise de menuiserie traditionnelle en Normandie. Après un passage dans plusieurs villes dont Tours, Paris, Genève, Salon de Provence et Carpentras, c’est en arrivant à Toulouse, où j’encadrai un groupe de jeunes menuisiers, que je me suis rapproché du Prévôt de la maison (Benjamin Cardona) afin qu’il me positionne comme souhaitant postuler au poste de prévôt. Après les phases de recrutement qui ont lieu à Paris, je suis arrivé en 2020 à Villefontaine. À vrai dire, la ville ne m’était pas inconnue puisque j’étais déjà venu en 2019 pour une formation design artisanal.

Être prévôt, c’est être responsable d’une maison des Compagnons. Et bien entendu, il faut être Compagnon pour devenir prévôt ! Sur la fin de mon tour de France, j'ai dû présenter un travail de 250 heures, suite à quoi j'ai été reçu Compagnon menuisier. Après cette étape, 3 choix s’offraient à moi : continuer le Tour de France pour encadrer des jeunes, devenir formateur ou postuler pour la mission de prévôt. Ces propositions de postes (formateurs, prévôt...) sont de réelles opportunités pour les jeunes Compagnons qui souhaitent évoluer professionnellement et personnellement. Devenir Compagnon, c’est aussi être reconnu dans son métier et être capable de transmettre son savoir faire et surtout son savoir être aux jeunes.

Je suis à la fois responsable du site de Villefontaine et de l’ensemble des jeunes qui sont en formation dans la structure. C’est un vrai rôle d’accompagnement pour des jeunes qui sont souvent loin de chez eux et qui débutent dans la vie professionnelle. Je m’occupe du suivi professionnel et personnel des jeunes, en lien avec le travailleur social présent dans la maison que l’on appelle la maîtresse de maison pour que les jeunes se sentent bien, à nous deux nous formons un binôme éducatif. Au niveau du suivi professionnel, je prends rendez-vous pour aller rencontrer deux fois par an les jeunes dans leur entreprise et voir comment ils évoluent dans le monde du travail. Je les accompagne aussi le soir puisque la formation chez les Compagnons comprend du temps en entreprise et du travail le soir à la maison. Côté maison, j’organise la vie de la communauté en incitant les jeunes à s’investir dans des animations et à donner de leur personne : activité le week-end, téléthon, portes ouvertes... La durée de la mission de prévôt va de 3 à 5 ans.

Il y a bien sûr toutes les animations en lien avec les temps forts des Compagnons comme la journée d’accueil, le weekend de cohésion (en général une activité sportive à l’extérieur de la maison), les journées portes ouvertes., les cérémonies de départ sur le tour de France... Mon objectif en tant que prévôt est aussi d’apporter de l’ouverture aux jeunes pour qu’ils s’intéressent à la société actuelle. Pour ça, j’essaie de proposer des animations en partenariat avec d’autres structures pour qu’ils aillent à la rencontre de personnes qu’ils ne connaissent pas. C’est notamment le cas avec la maison de quartier municipale de Saint-Bonnet avec qui nous développons un projet autour d’ateliers cuisine. Toujours dans une démarche d’ouverture, nous travaillons également avec les Grands Ateliers dans la mise en place de workshop : des binômes architecte / charpentier-menuisier sont formés pour réaliser des projets dans le cadre des formations respectives de chacun.

Tout à fait. L’aspect environnemental est très important pour nous. En partant faire le Tour de France, chaque jeune s’engage à respecter les autres et à respecter l’environnement. Depuis 4 ans, les Compagnons ont mis en place le challenge frugalité, suite aux remarques de certains jeunes quant à l’engagement écologique des Compagnons. Ce challenge vise à inciter les maisons à mettre en place des projets pour améliorer la qualité de vie. À Villefontaine, cet engagement s’est traduit par l’installation de ruches et d’un potager en permaculture, en partenariat avec la mairie. 3 jeunes apprentis, qui avaient des bases en apiculture, ont eu l’idée d’installer des ruches pour sensibiliser à la problématique de disparition des abeilles. Ces jeunes montrent aux volontaires comment s’en occuper. 2 ruches ont déjà été installées et 2 autres sont en fabrication. C’est un projet transversal qui a nécessité l’intervention des menuisiers pour la création des ruches, des chaudronniers pour la fabrication d’un extracteur et des charpentiers pour la réalisation d’un abri extérieur. Pour le potager, l’un des jardinier-paysagiste a pour projet de réception, pour devenir Compagnon, d’en créer un. Nous avons donc profiter de ce travail de fin de formation pour envisager un potager collectif avec pour objectif de produire des légumes pour la maison en incluant un volet pédagogique. Le souhait serait de faire participer les jeunes de la maison des Compagnons, des Grands Ateliers et mettre en place un programme avec la ville pour faire découvrir le maraîchage et le « consommer local » aux jeunes Villards. Pour nous aider dans ce projet, nous avons pu compter sur les Grands Ateliers, voisin de la maison des Compagnons, qui nous ont mis à disposition une superficie de 500 m2 et sur une subvention de la ville grâce à laquelle nous avons acheté une serre. Pour les conseils de culture, nous nous sommes tourné vers Pierre Cellier, maraîcher villard.

Pour moi, Villefontaine est une ville prometteuse en plein changement. L’accès à la culture, les activités extérieures, le dynamisme des associations, tout ça fait de Villefontaine une ville agréable pour les jeunes et qui m’aide à atteindre mon objectif : ouvrir les jeunes à la société actuelle. En plus, pour les Compagnons, c’est la ville idéale avec la présence des Grands Ateliers qui offrent un plateau technique formidable pour les apprentis.

Se former chez les Compagnons du Devoir et du Tour de France, c’est choisir une formation en alternance dans l’un des 31 métiers répartis en 5 secteurs d’activité. C’est aussi un gage de sécurité avec des formations dans des métiers qui recrutent : 90% des jeunes trouvent un emploi à la fin de leur parcours. L’aspect du voyage pour les jeunes qui partent faire le Tour de France est aussi un atout, avec au moins une étape à l’étranger. Enfin, ce qui fait qu’on se sent bien chez nous, c’est les valeurs des Compagnons : la transmission de savoir, le partage, la solidarité, l’apprentissage de savoir-être. C’est très formateur pour devenir adulte et rentrer dans le monde professionnel. L’accès aux formations se fait à partir de 15 ans après la 3e ou dès 16 ans. Le premier contact est pris lors des journées portes ouvertes ou directement sur Internet, puis vient les phases d’admission avec un entretien. En apprentissage (CAP/BAC PRO), le jeune passera environ 3 mois dans la maison, lors des périodes de formation. A contrario, un jeune en Tour de France résidera à l’année au sein d’une des maisons de Compagnons.

Nous sommes actuellement impliqués sur le Solar Décathlon, et avons encore pleins de projets à réaliser dans la maison étant donné que cette dernière est récente (4 ans). Les projets seront surtout initiés par les jeunes de la maison, qui sont les moteurs des actions menées. Le prochain temps fort ouvert au public seront les journées portes ouvertes les 11 et 12 mars prochain, où tous les jeunes de la maison seront mobilisés pour présenter leur métier et la maison aux visiteurs. Et puis nous continuons de nourrir les projets existants avec notamment l’objectif de consommer nos légumes directement depuis notre potager dès l’été 2022 ou encore l’installation prochaine d’une maison d’insecte, un peu comme sur le modèle des ruches.