Bonjour Solenn, vous exercez le métier d’éco-paysagiste, est-ce que le fait d’habiter à Villefontaine a contribué à ce choix ?
Oui en effet ! Je suis arrivée à Villefontaine en 1979 avec mes parents. Nous avons habité en appartement à Servenoble puis avons déménagé sur le secteur du Mas de la Raz afin de pouvoir jouir d’un jardin de plus de 1000m². C’est de ce jardin que dès mes 6 ans, je suis devenue une apprentie jardinière encouragée par des parents me laissant librement expérimenter mon approche du végétal. Je peux dire que j’ai eu une jeunesse heureuse dans cette ville. J’ai pu profiter de tous les espaces de verdure reliés entre eux par des chemins piétonniers et passerelles. Je me souviens de mes premières chasses aux papillons dans le vallon du Layet, de mes escapades en vélo, d’avoir participer avec Monsieur Mérard à poser les premières pierres sur le château de Saint Quentin Fallavier, d’avoir fait de l’optimiste sur l’étang… d’avoir éveiller mon émerveillement pour une nature à la porte de chez moi. C’est effectivement toutes ces caractéristiques de Villefontaine qui ont inspiré mon intérêt pour le monde végétal et m’ont fait découvrir ma vocation.
Comment avez-vous fait de votre passion votre métier ?
A la fin de mon parcours général sur Villefontaine, je me suis dirigée vers des études universitaires en biologie du végétal plus précisément dans l’aménagement écologique du paysage à Dijon. C’est à la suite de mon master où j’ai eu l’opportunité de pouvoir mener pendant 2 ans au sein du service environnement de la CAPI (SAN environnement) le projet du rétablissement des corridors écologiques que j’ai compris que mon parcours professionnel serait très certainement en lien avec mes valeurs et mes convictions attachées au respect de notre environnement.
D’ailleurs 2 de mes projets soutenus en fin de parcours ont été financés et réalisés par le soutien du Conseil Général de l’Isère sur le secteur de Servenoble à proximité du nouveau cimetière.
Cette expérience a été le bouton « ON » de mon parcours professionnel qui a toujours été en lien avec le vivant. J’aurais du continuer en bureau d’étude mais ma volonté de transmettre, d’apprendre, de partager m’a permis d’effectuer de nombreuses expériences professionnelles très enrichissantes qui me donnent aujourd’hui une vision globale des différents acteurs du territoire en lien avec le végétal.
De la valorisation des producteurs horticoles régionaux au sein de l’enseigne Botanic à la création et animation de jardins partagés sur la commune de L’Isle d’Abeau (Le Jard’Isle Bien) et de Saint Quentin Fallavier, j’ai finalement intégré une jeune entreprise innovante sur Villeurbanne appelée Pistyles où ma mission était de former les paysagistes à la gestion écologique mais également d’accompagner les conseils syndicaux des copropriétés à mieux appréhender les méthodes d’entretien écologique et de leur proposer des plans d’aménagement et de valorisation de leur parc paysager afin d’accueillir plus de biodiversité. Mon approche très pédagogique et professionnelle enrichie au quotidien par mes recherches et lien avec un réseau de passionnés, aménageurs, chercheurs m’ont amenée à repenser à demain et à ma volonté de transmettre plus largement.
C'est de ces expériences qu'est née Naturad'hoc ?
Oui, effectivement. La période de confinement suite à la COVID 19 m’a été très propice pour approfondir ma réflexion. J’ai découvert les réseaux sociaux et le besoin de + de nature, le besoin de retour vers la nature, le besoin d’apprendre ou de réapprendre, de faire, de ressentir et de partager. Avant de m’engager tête baissée, j’ai profité des services de Pôle Emploi en faisant 4 stages dans des structures variées en lien avec le vivant. J’ai eu la chance de découvrir le Centre de Formation Horticole d’Ecully, l’association APIE siégeant à Villefontaine, d’accompagner sur le secteur agricole le service DD de Villefontaine et de pouvoir m’immerger des pratiques mises en place dans la gestion des espaces verts coordonnées par la CAPI.
Par ces expériences, j’ai à chaque fois pu apporter des connaissances et il m’est paru évident que je devais expérimenter une nouvelle approche de formation pluri acteurs afin de ne pas rester dans la spécialisation ce que je ne suis pas. Je souhaite offrir à un large public mes services, mon approche construite à partir de tous ces embranchements que sont les habitants, les écoles, les centres de formations, les collectivités, les entreprises, … et qui permettent souvent de trouver des solutions concrètes et applicables.
J’ai donc créé en février 2022, Naturad’Hoc.une entreprise de formation-animation-conseil qui s’adapte aux besoins, attentes de chacun c’est un peu comme « trouver nature à son pied ».
Quel est votre concept ?
Naturad’hoc, c’est : des formations, des conseils, des animations . C’est rendre accessible à un plus grand nombre mon approche de la gestion du végétal en lien avec les enjeux écologiques actuels et à venir. Naturad’Hoc, c’est donner à Comprendre, donner à Apprendre, donner à Partager, donner à Transmettre, donner à Emouvoir, donner à Recevoir. Finalement c’est CAPTER l’attention sur la fragilité du monde végétal en reprenant les fondamentaux axés en priorité sur l’écosystème « sol » jusqu’à la gestion de la plantation à l’entretien enrichies de connaissances acquises au fil de mes activités professionnelles et des retours d’expériences des partenaires, collègues, jardiniers, … qui m’entourent. Naturad’Hoc, c’est également proposer de revisiter la protection des végétaux en incluant une approche multifactorielle prophylactique incluant biodiversité, vie du sol, palette végétale et proposer si nécessaire des conseils en lutte biologique. C’est une approche globale qui ne se concentre pas uniquement sur le problème à résoudre mais qui va analyser les causes possibles pour pouvoir agir en amont. Naturad’Hoc c’est proposer une collaboration aussi bien auprès des apprenants paysagers en centre de formation ou au CNFPT, que de futurs maraîchers mais également les cabinets d’architectures, collectivités et écoles. C’est finalement amener une nature qui convient à tout le monde.
Comment est accueillie votre méthode ?
Aujourd’hui, je suis très contente car pour un début d’activité, je suis sollicitée sur toute la région aussi bien au sein de centres de formation pour accompagner de futurs responsables d’exploitation agricole que des paysagistes en activité. Je suis amenée également à faire des animations pédagogiques dans les écoles primaires où l’on aborde des sujets plus complexes comme la gestion du sol. Je suis également sollicitée dans des entreprises pour des ateliers-formations sur le vivant cherchant à recréer de la cohésion, de la coopération dans les équipes « fatiguées » par la crise de la Covid 19.
Recommandations et re-sollicitations m’amènent à conclure que mon travail leur correspond. J’apporte semble-t-il une réflexion et un questionnement positif sur le monde vivant qui nous entoure. L’approche que j’ai du végétal devient quelque chose de concret et de simple.
Procédez-vous de la même façon lors de vos formations avec le CNFPT ?
Mon approche est similaire pour les agents territoriaux. Ils sont souvent demandeurs de méthodes pour remplacer l’utilisation des produits phytosanitaires maintenant interdite. Je les accompagne à repenser globalement, repenser autrement en ouvrant leur réflexion sur la gestion de l’écosystème et des auxiliaires. Ils découvrent ainsi que la prévention est la base de la lutte biologique. En revanche, il est parfois nécessaire d’agir et de repenser différemment par la suite. Dans ce contexte, je les accompagne à utiliser la lutte biologique de manière précautionneuse car on le sait bien … les coccinelles asiatiques issues de la lutte biologique sont aujourd’hui décriées comme perturbatrices des écosystèmes naturels.
D'ailleurs, les Villards ont le plaisir de découvrir vos photos sur les réseaux sociaux. Que se cache-t-il derrière ces clichés ?
Faire des photos me permet de partager des
émotions, de démocratiser le végétal. On me dit souvent que je mets en avant des choses qu’on ne voit
pas, pourtant ordinaires. En effet, je ne vais pas montrer des fleurs de
l’autre bout du monde alors que la vagabonde ou l’échappée du jardin d’à côté
est si on la regarde avec attention, un spectacle
SPECTACULAIRE ! Je préfère montrer des images d’instants subtils naturels à nos
pieds qu’on ne prend plus le temps de regarder. J’aime bien vulgariser ou poétiser la nature en publiant
des photos avec des petits textes. Pour conclure, il n’est pas nécessaire de se
promener avec un appareil photo, le téléphone est un bel outil. En soit, tout
le monde peut le faire.
Que préparez-vous pour l'avenir ?
Je suis ouverte à tous projets portant sur la pédagogie et le partage de connaissances en lien avec le végétal et la biodiversité.
Aujourd’hui, je souhaite continuer à développer mon activité avec de nombreux partenaires aussi bien en centre de formation, que dans les écoles où je pense que nous pouvons utiliser les espaces récréatifs de verdure comme des outils pédagogiques pour apprendre aux enfants à respecter le vivant. Une expérience a été menée à l’école du GS8 en 2018 en apprenant aux enfants à désherber, tailler, pailler, planter non un potager car ils n’en profiteront pas pendant l’été mais les espaces ornementaux sur lesquels chaque jour, ils peuvent voir l’évolution. Dans ce contexte, c’est un programme annuel à mener avec une classe puis à généraliser. C’est un grand projet sur plusieurs années évidemment.
Je souhaiterais aussi mettre en place comme à Villefranche sur Saône, un accompagnement des agents des collectivités dans une meilleure prise en compte de la gestion de leurs espaces de verdure. Cet accompagnement est très intéressant car il associe théorie et mise en pratique et permet de gérer plus efficacement leur patrimoine de verdure. La gestion écologique reste une pratique qui demande évidemment du temps les 2 premières années surtout dans la remise en état de massifs arbustifs mais qui évite la replantation et à très moyen terme amène à une gestion plus rapide et bien moins agressive sur le végétal. La porte d’entrée des collectivités est selon moi et par retour d’expériences importante car elles sont une « vitrine » d’une nouvelle gestion et par effet ricochet aident les entreprises privées à mener les mêmes actions au sein des copropriétés.
Demain, et c’est ambitieux, mais pourquoi pas envisager sur Villefontaine un centre pédagogique (comme l’Ecolothèque de Montpellier) où enfants, adultes, professionnelles puissent venir se former en associant les différents acteurs déjà présents sur le secteur et profiter de notre cadre de vie à proximité de Lyon.
Finalement, Villefontaine est une ville faite pour vous ?
Oui, Villefontaine me correspond aussi bien par son cadre naturel omniprésent mais également par cette vie de quartier faite d’échanges, de bienveillance. Mes enfants peuvent continuer à suivre mes pas avec cette liberté de pouvoir jouer, courir, découvrir le monde naturel qui les entoure.
J’apprécie également la richesse du secteur associatif de Villefontaine qui depuis 5 ans, m’a amenée au sein des écoles maternelles et primaires à faire vivre la poésie « hors les murs » en partenariat avec La Cave Littéraire. Du concours de poésie sur panneaux électroniques à l’édition d’ un recueil de poésie, nous avons réussi en utilisant l’environnement naturel à la porte des écoles à amener les enfants à exprimer leur émotion par un émerveillement poétique au naturel. Poésie … à suivre.
Son endroit préféré à Villefontaine
Le jardin de ses parents au Mas de la Raz
Ses moments clés
- 1981 : emménagement au Mas de la Raz
- 2002-2003 : amorçage de son futur professionnel par ses immersions SAN Environnement
- 2009 : retour à Villefontaine comme habitante et fonde une famille
- 2022 : création de Naturad'hoc